Bugaku

Le Bugaku (舞楽) est une très ancienne forme de danse japonaise codifiée, accompagnée de musique de cour (Gagaku), introduite au Japon entre les VIᵉ et IXᵉ siècles depuis la Chine, la Corée et l’Inde, puis conservée et ritualisée par la cour impériale. C’est une danse cérémonielle, solennelle, qui faisait partie des grands rituels du palais et des temples. On la considère comme l’une des plus anciennes traditions chorégraphiques toujours vivantes au monde.

Caractéristiques du Bugaku

Lenteur et symétrie : les pas sont exécutés très lentement, avec une régularité presque géométrique.
Codification stricte : chaque mouvement est fixé depuis des siècles, sans improvisation.
Costumes et masques : très colorés, souvent symboliques (dragons, divinités, guerriers).
Accompagnement musical : par le gagaku (flûtes, hautbois, percussions, cordes).

Sens des pas

Les pas du Bugaku n’ont pas seulement une fonction esthétique, mais portent une signification symbolique :

Pas mesurés et réguliers : ils manifestent l’ordre cosmique, l’harmonie universelle.

Avancer, reculer, tourner : expriment souvent un cheminement spirituel, un rapport entre l’homme, le ciel et la terre.
Gestes stylisés (bras, mains, tête) : incarnent des divinités, des forces naturelles, ou des valeurs (courage, sagesse, équilibre).
Répétition : marque la stabilité du monde, le caractère intemporel du rituel.

En résumé, les pas du Bugaku ne cherchent pas à représenter un réalisme, mais à manifester une cosmogonie dansée : chaque déplacement, chaque rythme, participe à mettre le danseur — et les spectateurs — en résonance avec un ordre plus vaste que l’individu.

Ryō-ō (蘭陵王, souvent transcrit aussi Ranryō-ō) est l’une des pièces les plus célèbres du Bugaku.


C’est une danse dite « bu no mai » (danse martiale), donc à caractère guerrier, contrairement aux danses plus douces et civiles (« bun no mai »).


1. Origine

  • Elle vient de Chine (VIIᵉ siècle, dynastie Tang), puis transmise au Japon.

  • Elle raconte l’histoire de Ran Min (ou un prince de Lanling, 蘭陵王), un général chinois.

  • Il était connu pour sa beauté si délicate qu’il paraissait trop doux pour la guerre.

  • Pour effrayer ses ennemis, il portait donc un masque de démon à la gueule grimaçante lors des batailles.


2. La danse elle-même

  • Le danseur porte un masque rouge terrifiant, des costumes flamboyants et une couronne dorée.

  • Les pas sont puissants, marqués, mais toujours solennels : avancer avec autorité, frapper le sol du pied, pivoter comme un guerrier qui se tient prêt.

  • Le rythme est martial, accompagné de percussions.

  • Les déplacements dessinent souvent des lignes fortes : avant/arrière, diagonales, comme une stratégie de combat.


3. Le sens symbolique

  • Masque effrayant : cacher la douceur sous une apparence redoutable, manifester la transformation de l’homme en force guerrière.

  • Pas martiaux : ils ne sont pas un combat réel, mais une mise en ordre de l’énergie guerrière, une célébration de la bravoure.

  • Rythme solennel : ce n’est pas un duel, mais une ritualisation de la puissance.

  • Harmonie cosmique : même la guerre est contenue dans un cadre rituel, ce qui transforme la violence en beauté ordonnée.

En clair, Ryō-ō / Ranryō-ō exprime la puissance maîtrisée : le guerrier qui, tout en étant effrayant et fort, reste sous le contrôle de l’ordre rituel et cosmique.